Ouest France – 2/02/16

L’envoûtant Shake That Devil (retour sur la Soirée d’inauguration du Centre chorégraphique national de Caen en Normandie, direction Alban Richard)

On a vu. « Secouer le démon de la danse », c’était le mot d’ordre de la soirée, samedi, au Centre Chorégraphique de Caen

Dire que c’est une réussite est en dessous de la vérité. Le marathon artistique de Centre Chorégraphique a fait bien plus que ça. Il a ouvert les vannes, fais entrer un tourbillon de fraîcheur, secoué les corps et les esprits, jusqu’à réinventer l’exercice convenu du discours d’investiture. Tout cela augure d’un projet foisonnant et profondément ouvert.

Circulation

C’est le principe de la déambulation, l’idée géniale de la soirée. Une façon, à la fois forte et légère, de faire circuler les énergies. Chacun entrant et sortant au gré de ses envies, du hasard ou de la nécessité, pour observer les installations vidéos des artistes compagnons, ou de directeurs de structures environnantes – comme Marcial Di Fonzo Bo -, l’exposition des bi-portraits photographiques de Mickaël Phelippeau – jolie déclinaison de l’adage « Je est un autre »-, l’installation plastique sublime de Phia Ménard et l’enchaînement aléatoire des performances dans le grand espace central, libéré de la traditionnelle démarcation scène-salle.

Avec des moments d’exception, comme la subtile proposition de Claire Laureau et Nicolas Chaigneau (photo), ou le poétique Prélude de la compagnie Silenda.

Sous titre de la photo : Claire Laureau et Nicolas Chaigneau, de la compagnie pjpp. Un des grands moments de jubilation de la soirée.

Invitation

Après un discours affirmant que « la liberté, si elle existe, est foncièrement poétique », Alban Richard a conclu sur une invitation, apparemment simple mais vraiment salutaire : « Ici, on danse ! » Profession de foi largement mise en application par la performance menée par sa compagnie, affranchie de toutes les conventions en terme d’espace et de mouvement et merveilleusement multiple. Une danse mouvante, changeant sans cesse d’angle et de positionnement, pourfendant un public ne sachant plus comment se tenir, où regarder et à quel saint se vouer.

Sacré cyclone, qui a emmené dans son sillage, toute cette marée humaine, institutionnels compris, à bouger son corps une bonne partie de la nuit sur le set très inspiré de la DJ Barbara Butch. En somme, une soirée plus que sismique.